Faciliter la collaboration de managers issus de différentes cultures : un regard sur le coaching interculturel.

LinkedIn
Twitter


Dans un monde globalisé, beaucoup d’entreprises sont confrontées à la gestion des différences culturelles. Dans ce contexte, pourquoi faire appel à un coach ? Et pour ce coach, comment appréhender des clients de culture différente ? Ou encore, s’ils sont d’une culture identique, comment appréhender leur interaction avec d’autres cultures ? Je propose ici quelques éléments de réponse autour du coaching interculturel.


Le parcours professionnel de nombreux cadres et dirigeants leur fait côtoyer des cultures éloignées de la leur. Or, “Les différences culturelles peuvent causer d’immenses frustrations et représentent un vrai mystère pour beaucoup d’entre nous » (1) . Toutefois, les voyages ou les confcalls ne sauraient suffire à faire d’eux des managers agiles en environnements multiculturels.

Conscients (ou pas) que les différences culturelles peuvent intervenir dans leurs réussites professionnelles, ils reçoivent de plus en plus fréquemment des formations visant à les familiariser avec les paradigmes différents qu’ils rencontreront et à leur donner des outils pour développer leur propre sensibilité culturelle ou bien améliorer la cohésion et la performance d’équipes multiculturelles. Mais si la nécessité de telles formations est globalement acceptée dans les entreprises ou organisations internationales, ou plus locales ayant des collaborateurs ou intervenants d’autres univers culturels, le rôle du coaching dans l’anticipation ou la résolution de problématiques liées aux différences culturelles est souvent encore méconnu. Ce rôle est pourtant complémentaire aux formations et puissant. En effet, le travail du coach contribue à faire sortir le coaché de son cadre de référence : normes-croyances-valeurs, qui est substantiellement influencé par la culture.

Dans ce contexte, il est donc souhaitable que le coach, amené à travailler pour ces entreprises et ces clients, ait, lui aussi, développé ses connaissances et sa capacité à appréhender d’autres cultures et examiné si sa pratique est adaptée aux divers contextes culturels.

Pour le coach occidental, il peut s’agir d’accompagner un client également occidental évoluant dans un environnement culturellement différent du sien. Il peut encore s’agir d’un client non occidental dans son environnement ou dans un environnement culturellement distinct. Dans cette dernière situation en particulier, le coach devra d’ailleurs comprendre les références culturelles propres de son client et ne pas les réduire à la culture générique à laquelle il appartient : « Vous devez découvrir comment la culture de votre client l’affecte et dans quelle mesure, et quelles parties de sa culture déterminent comment il agit ou comment il pense » (3) .

Car évoquer les cultures occidentales, orientales, asiatiques ou latino-américaines est une simplification quand elles regroupent en fait chacune des dimensions plus fines et plus complexes.

Un dirigeant Indien du Penjab est certes de culture asiatique mais plus spécifiquement indienne et encore plus précisément du nord de l’Inde. Le coach sera conscient, lorsqu’il formule des hypothèses ou creuse le cadre de référence d’un coaché, que, par exemple, en raison de la prédominance des valeurs hindoues ou confucéennes dans de nombreux pays d’Asie, le fonctionnement des organisations, les styles de management, les rapports à l’individualisme, à la hiérarchie sociale, au temps, au pouvoir, à la prise de risque y diffèrent parfois encore fortement des conceptions américaines et européennes.

On peut évoquer également le mode de pensée analytique occidental s’opposant à celui, systémique, oriental  (2). En coaching interculturel, le coach pourra faciliter la prise de conscience chez son client que des croyances et valeurs présentes dans d’autres cultures l’aideront à élargir sa perspective.

Mais, au-delà du défi en soi de coacher des problématiques en lien avec les différences culturelles entre le coaché et son environnement, se pose également la question de l’impact de celles-ci dans la pratique même du coaching. A l’image de C. Coultas qui considère nécessaire « d’adapter les stratégies de coaching pour un effet maximal lorsque vous traitez avec d’autres personnes culturellement différentes » (3) , la plupart des auteurs voient une influence plus ou moins majeure de la culture sur le comportement et la pensée des clients comme de leurs coachs. Cela peut s’illustrer, par exemple, dans la dynamique coach-client en Asie de la façon suivante :

  1. Là-bas, le coach n’est pas vu comme un égal par son coaché, on attend qu’il soit un sage ou un formateur. Par ailleurs, il est difficile d’entamer vraiment le coaching sans avoir préalablement créé une relation de confiance approfondie. (5)(9)
  2. Parfois, « il n’est pas vraiment possible de poser des questions ouvertes directement, ce qui serait assez impoli. (…) Il faudra faire autrement, et par exemple, demander plus formellement l’autorisation de les poser. » (3)
  3. « Si vous coachez un client coréen ou d’une autre culture où le feedback direct peut faire perdre la face, il peut être beaucoup plus difficile de faire passer le message sans endommager par inadvertance – et potentiellement irrémédiablement – la relation. » (6). C’est notamment vrai en coaching d’équipes.

En conclusion, en situation de coaching interculturel, plus le coach connaît en profondeur les différences culturelles, plus il sera, d’une part, en capacité d’appréhender leurs influences dans la problématique de son client et, d’autre part, « susceptible d’anticiper et de gérer le processus en douceur avec lui » (8). Il lui faudra « adapter son style, (…) être patient dans la construction de la relation de confiance, notamment en Asie »  (9) tout en se rappelant que, comme toujours, le coach « fera confiance au processus et sera curieux »  (9).

Sources :
(1) Philippe Rosinski, MCC, International Journal of Coaching in Organizations, 2003, 1(4), 4-
16
(2) “Le coaching interculturel” (Philippe Rosinski, MCC, 2009, Dunod)
(3) Interview with Leda Turai (coachcampus.com, Leda Turai, MCC, 2016)
(4) Values sensitive coaching: The DELTA approach to coaching culturally diverse executive
(C. Coultas, 2011)
(5) The Coach in Asian Society: Impact of social hierarchy on the coaching relationship (Ajay
& Lina Nangalia, Intl Journal of Evidence Based Coaching and Mentoring, Vol. 8, No. 1,
2010)
(6) Will That Cross-Cultural Coach Really Help Your Team (HBR, A. Molinsky & C. Höferle,
2015)
(7) Coaching_interculturel (Michel Moral, http://www.michel-moral.com/)
(8) Executive Coaching in a Cross-Cultural Context (D. Peterson,2007)
(9) Coaching across culture, (Tony Draper, MCC, 2016, coachinglife.com)

Les derniers articles YLOS7

Photographie de Christopher Campbell

ACCOMPAGNER UN CHANGEMENT DE POSTURE

La transition délicate de consultante à manager au leadership épanoui . Témoignage d’un coach  Après avoir été reconnue pour ses compétences, Sabine saute le

Masques des émotions

CES ÉMOTIONS QUI DIRIGENT NOS ÉQUIPES

Par Laurent Cremaschi   Les émotions sont-elles des perturbations inutiles qui entravent la pensée rationnelle ? Loin de là si on en croit