RACONTER DES HISTOIRES – Le biais cognitif d’attribution causal

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Théorie du complot des illuminati

Pour expliquer un monde mystérieux, pour le rendre intelligible et prévisible, nous nous racontons des histoires. 

 

« Quand je vais jouer au casino, je mets toujours mon pull bleu-marine. Je l’appelle mon pull porte-bonheur, c’est un aimant à chance, avec lui, je ne suis jamais reparti sans avoir gagné » !

 

Voilà une belle illustration d’un biais cognitif puissant, et scotchant, à la manière du morceau de sparadrap du Capitaine Haddock. Car comme tous les biais, il « pègue » comme on dit dans le Sud, vous avez beau chercher à le détacher, il vous rattrape encore et encore.

 

Les biais cognitifs ont en effet ceci en commun, c’est qu’il ne suffit pas de les connaître, d’en prendre conscience et de les repérer dans nos manières de penser et d’agir pour en être libérés. Rassurez-vous, n’est pas perdu et nous ne sommes pas condamnés à en être les marionnettes. Il existe des stratégies pour les atténuer, stratégies que nous appliquons par exemple lorsque nous travaillons avec les équipes, pour éviter que ce ne soient les biais cognitifs qui dictent leurs décisions.

 

Mais regardez cette vidéo qui date de 1944*… et lisez la suite uniquement après l’avoir visionnée.

Ça y est ? Vous l’avez vue ?

Et qu’avez-vous vu ? Un grand triangle méchant poursuivre les deux autres petites figures jusqu’à ce qu’elles s’enfuient et que le grand triangle de rage « casse la baraque » ? C’est l’histoire en effet que racontent la plupart d’entre nous après le visionnage.

 

On repère immédiatement des intentions : celle de l’attaque, celle de la fuite, on peut y voir une solidarité entre les deux petites figures, pourquoi pas de la complicité, etc.

 

Or dans ce film d’animation, chacune des figures se déplace de manière totalement aléatoire et indépendante des déplacements des autres figures. Nous avons ainsi accordé à ces formes des intentions, de poursuite, d’attaque, de fuite… alors qu’elles ne sont que le résultat de quelques algorithmes indépendants !

 

Cette vidéo illustre un biais cognitif puissant : le biais d’attribution causal, qui nous incite à imaginer spontanément des explications logiques à une situation que l’on observe.

 

Combien de fois sommes nous les victimes plus ou moins consentantes de ce biais ? Lorsque nous voyons une grande ourse dans le ciel ? Lorsque nous craignons le grand bug en l’an 2000 ? Lorsque nous pensons que Germain qui ne partage rien de sa vie privée a une double vie ? Lorsqu’on lie la pauvreté à la paresse ? Ou la richesse au travail et à l’intelligence ? Ou l’obtention d’un contrat important uniquement aux propres compétences et stratégies de l’entreprise plutôt qu’à la chance ou aux facteurs économiques externes ?

 

Et à votre avis, quel biais exploitent jusqu’à la corde les théories du complot qui pour citer la sociologue Eva Soteras … »apparaissent comme des réponses face à des évènements hors du commun et à ce réel parfois défaillant »? 

 

Alors quand nous avançons des interprétations, rappelons-nous. Nos explications ont sans doute de la valeur, mais nous, les humains, nous adorons les histoires, le sens, la simplicité de l’évidence. Et pour expliquer un monde mystérieux, pour le rendre intelligible et prévisible, nous nous racontons, encore et encore… des histoires !

 

 

An Experimental Study of Apparent Behavior Author(s): Fritz Heider and Marianne Simmel Source: The American Journal of Psychology. 1944 

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