Du conflit au mieux-être au travail

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Par Ève Joret-Hoybel

Conflits relationnels au travail
Conflits relationnels au travail

Il existe plusieurs grands types de conflit au travail dont les conflits relationnels que nous vous proposons d’explorer ici.

Ce type de conflit au travail, relationnel, est redouté car souvent imprévisible et irrationnel.

Il peut être provoqué par des frictions dans la relation de travail, dus notamment à nos différences de personnalité, nos affects, nos modes de fonctionnement au travail, nos systèmes de valeurs individuels…

En effet, nous sommes tous différents : nous avons plus ou moins accès à nos émotions, une plus ou moins bonne connaissance de soi et nous utilisons des canaux de communication qui sont plus ou moins compatibles avec ceux de nos interlocuteurs.

Prenons un exemple : Philippe est manager de proximité dans une entreprise de petite taille (48 personnes), dans le secteur social. Il a 25 années d’expérience professionnelle dans ce domaine, a rejoint cette entreprise il y a 5 ans et est apprécié tant de ses pairs que des membres de ses équipes pour ses qualités humaines, son écoute, sa capacité à prendre des décisions et son équité. Ses relations avec la Directrice sont cordiales mais Philippe a pris ses distances depuis son arrivée car a senti qu’il pouvait de moins en moins faire confiance à son management (non positionnement sur des décisions à prendre, manque de soutien dans plusieurs situations avec des salariés, non-réponse à des mails…).

Lors d’une réunion de l’équipe managériale avec la Directrice, que nous appellerons Sandrine, il a été discuté de l’organisation du temps de travail pour mettre en place des journées éducatives à la mer l’été suivant. La demande des managers portait sur des modalités particulières de temps de travail lors d’événements exceptionnels tels que ces journées à la mer. Sandrine a tout de suite pointé la difficulté de porter une modification au temps de travail et demandé à l’équipe de proposer des solutions. Philippe, a fait part d’une proposition qui avait déjà été utilisée par le passé et qui répondait aux prérogatives de la législation en matière de droit du travail. La Directrice a précisé que cette proposition n’était pas compatible avec le droit du travail, ce à quoi Philippe a répondu que ce n’était pas un argument recevable et a maintenu que le droit du travail permettait bien ce dispositif à titre exceptionnel.

Sandrine a précisé s’être mal exprimée en indiquant c’était plutôt dans l’accord d’entreprise relatif au temps de travail que ce dispositif n’était pas prévu. Philippe a lu à voix haute le passage de l’accord qui validait pourtant ce dispositif exceptionnel. Agacé par les réponses de Sandrine, qu’il estime à ce moment-là comme mensongères, Philippe lui a rétorqué que le problème ne venait pas du droit du travail ni de l’accord d’entreprise et que c’était peut-être elle, Directrice, qui ne souhaitait pas donner une suite favorable à la modification du temps de travail pour organiser les journées à la mer.

Sandrine a approuvé en précisant qu’effectivement il (Philippe) n’était pas en capacité de comprendre les risques qu’elle prenait et que par ailleurs toute proposition qui serait faite en matière d’organisation de journées à la mer en réunion devrait être soumise à la validation du CSE.

Philippe s’est crispé et a exprimé son agacement sur le fait que des décisions prises en réunion d’encadrement soient soumises à validation d’un CSE dont le rôle est purement consultatif. Et a ajouté que c’était à la Direction de prendre des décisions en validant ou non les propositions amenées et travaillées par l’équipe de managériale.

La Directrice a fermé l’échange en disant à Philippe qu’elle le convoquerait plus tard.

Philippe a par la suite été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, qui a abouti à un avertissement formel.

Que s’est-il passé pour en arriver là ?

Comme nous l’avons indiqué au début de la présentation de la situation, le climat de relation entre Philippe et sa directrice était déjà un peu tendu préalablement à la réunion. Ce ressenti de « ne pas se sentir en confiance » et ce sentiment d’insécurité vis-à – vis de certains agissements et comportements de la Directrice n’avaient pas été exprimés par Philippe. Ainsi, les éventuels désaccords antérieurs n’ont pas été désamorcés.

La réunion, et ce qui s’est joué durant celle-ci, a été le déclencheur de la crise. Et le stade du conflit a alors été franchi : le ton s’est durci, les visages se sont crispés, les échanges sont devenus plus tendus, les propos se sont généralisés (« mais pourquoi le CSE devrait-il toujours être consulté ? » ; « pourquoi ne fait-on jamais confiance à l’équipe de cadre … »), venant ainsi cristalliser davantage les tensions.

Le compromis, à ce stade du conflit, n’est plus possible, l’option la plus probable de résolution s’envisage alors dans un schéma de gagnant-perdant.

Une option aurait été de désamorcer la tension préalable au conflit au travail, en prenant du recul afin de permettre une analyse correcte du problème et d’adopter une communication appropriée.

Se questionner sur le conflit au travail :

  • Qu’est-ce qui est en cause ?
  • Est-ce ce que ce sont des causes objectives, c’est-à-dire extérieures aux protagonistes, ou relevant de processus défectueux ;
  • Ou bien subjectives, qui ont éventuellement trait aux égos, aux affects, aux filtres mentaux ?
  • Quel(s) besoin(s) fondamental(aux) est contrarié ?
  • Quelle émotion cela vient-il déclencher ?

Ce cheminement permet de revenir à Soi avant de communiquer avec l’autre et sortir du « ce n’est pas moi, c’est l’autre ».

Faire un feedback constructif à son interlocuteur en partageant les faits, en nommant l’émotion qui a été ressentie, en exprimant son propre besoin et en faisant une demande (préceptes issus de la Communication Non Violente)

Exemple de ce que Philippe aurait pu exprimer à sa Directrice 4 mois avant la réunion d’équipe : le mois dernier, je vous ai informé que j’allais recevoir Paul en entretien afin de le reprendre sur l’ensemble de ses retards et sur le fait qu’il refuse de remettre à temps ses fiches horaires. Vous m’avez alors proposé d’appuyer cet acte managérial en faisant parvenir un courrier formel de mise en garde à l’attention de Paul, je devais l’en prévenir au cours de mon entretien avec lui. Paul n’a reçu aucun courrier et lorsque je vous ai demandé où en était la procédure vous m’avez indiqué ne pas avoir eu le temps de vous en occuper.

Je me suis senti trahi et déçu. J’ai besoin d’être reconnu dans mes compétences de manager et me sentir légitime. Est-ce que je peux compter sur vous les prochaines fois pour me soutenir dans mes décisions managériales ?

Qu’est-ce qui fait que Philippe ait réagi de cette façon sur la forme, alors que Thierry, également présent à la réunion a réagi tout à fait différemment bien qu’il soit d’accord sur le fond ?

En retravaillant la situation avec Philippe lors d’une séance de coaching, il a réussi à nommer l’émotion qu’il avait ressentie durant les échanges avec la Directrice lors de cette réunion : de l’agacement et de la colère.

Quant à Thierry, sa réaction a été de se refermer sur lui pendant le reste de la réunion. On peut ainsi émettre l’hypothèse que l’émotion ressentie par Thierry s’apparentait à du dépit ou de l’impuissance. Face à une même situation, nous ne ressentons pas les mêmes émotions et ne réagissons donc pas de la même manière.

Philippe, homme de principe et porté par des valeurs d’honnêteté, de confiance et d’équité, s’est senti attaqué dans sa valeur authenticité : pour lui il était inimaginable que sa Direction utilise des arguments qu’il estimait détournés pour refuser une proposition de l’équipe de cadres, au détriment des jeunes pour lesquels le projet était discuté en réunion.

Touché dans ses valeurs, Philippe s’est indigné et s’est laissé submerger par son émotion d’agacement et de colère. Même s’il estime s’être contenu, il n’empêche que la posture (visage fermé, traits crispés, regard noir) et les formulations (« le problème ne vient peut-être pas du droit du travail mais de vous qui ne souhaitez pas… ») témoignent de son déchargement émotionnel même partiel à cet instant.

Nous comprenons ainsi l’importance d’être à l’écoute de nos émotions, de savoir les reconnaitre et les nommer, d’apprendre à les réguler en commençant par les accepter et en les canalisant en contexte professionnel.

Canaliser l’émotion revient à différer la décharge émotionnelle par des astuces simples telles que respirer doucement en prenant 3 inspirations / expirations discrètes par le ventre, compter jusqu’à 10, boire un verre d’eau, amorcer un sourire avant de parler.

Enfin, l’utilisation des techniques de l’écoute active (savoir entendre, reformuler et questionner afin d’accéder aux non-dits du problème) et de la communication positive (clarté, précision, annonce des faits, pas de généralisations, pas d’interprétation, positivité de l’expression), sont autant d’outils qui permettent une meilleure maîtrise de la communication.

Le développement de la capacité à écouter et à s’exprimer de façon précise, positive et conciliatrice permet une communication apaisée d’adulte à adulte.

Ces sujets vous interpellent, vous vous reconnaissez dans la situation décrite ? Vous êtes confronté à des situations de conflit au travail? Vous avez envie de mieux vous connaitre et de développer votre impact en matière de communication ?

Faites appel à un coach professionnel qui saura accompagner votre équipe ou vous-même dans l’atteinte de vos objectifs et à vous sentir mieux et plus efficient dans vos relations professionnelles.


Voir aussi sur le même thème de conflit au travail : Culture émotionnelle au travail

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